Pages

dimanche 26 avril 2020

Christophe



La promesse étant dette, voici le billet consacré à Christophe, l'immense Daniel Bevilacqua disparu le 16 avril. Son vrai nom trahissait ses origines italiennes et il se fit appeler Christophe à cause de sa passion des voitures et de la vitesse, sa grand-mère lui ayant offert une médaille du saint patron des conducteurs pour la mettre sur le tableau de bord des bolides (italiens, cela va de soi) qu'il collectionnait et conduisait pied au plancher. Généralement nos compatriotes espagnols ne connaissent du chanteur que sa version yé-yé, celui qui chantait Aline dans les années 60 et ignorent tout de l'immense artiste qu'il est devenu à partir des années 70 et surtout 90. Ce n'est pas un simple chanteur de variétés qui est parti en ce triste mois d'avril mais au contraire une des personnalités les plus attachantes de la chanson française, sans nul doute le plus original de sa génération (même si moins viril que Hallyday et Mitchell, moins marrant que Dutronc, Antoine ou Ferrer et aussi moins flamboyant que Polnareff). Il ne restait que lui sur la liste de ces pionniers de la chanson pop et la France l'aimait à la folie. Preuve en est le nombre de titres dithyrambiques récoltés dans la presse: "Un esthète dans les nuages" (Libération), "Génie, un peu dandy" (Les Inrockuptibles), "Icône culte" (Le Point), "Le miraculeux attrapeur de sons" (L'Obs), "Un chanteur inclassable" (Le Parisien). Lui-même se définissait comme un "peintre des sons" complètement happé par son obsession sonore à la recherche permanente de sonorités nouvelles et cela s'entend dans ses derniers albums. Christophe composait et chantait comme personne. Il était en quelque sorte le Bryan Ferry français mais à l'intérieur duquel demeurait aussi Brian Eno. "Le dandy de la chanson française" titrait le journal de France 2 du 17 avril dernier dans le reportage suivant.




Quelle personnalité que ce Christophe quand même, à la fois dandy clodo, oiseau de nuit, séducteur compulsif, joueur de pocker, coureur auto, collectionneur insatiable, hédoniste absolu, flambeur extravagant, rêveur diabolique, rebelle intraitable, etc... Il paraissait sortir d'un album du lieutenant Blueberry - remarque Marc Lambron dans le Point - avec sa moustache de shérif, sa chevelure de chasseur de prime, sa vareuse et ses santiags. Il n'y a vraiment que Gainsbourg ou Bashung à pouvoir rivaliser au paradis des chanteurs et chez les vivants les Dutronc, Murat ou Manset. En 50 ans de carrière, Christophe aura connu des hauts et des (très) bas, ce qui explique pourquoi il aura publié si peu d'albums de chansons originales (à peine 12), son perfectionnisme n'arrangeant rien. Sur la grosse centaine de chansons originales enregistrées par le crooner de Montparnasse, le magazine Les Inrockutpibles en a sélectionnées 15 depuis Aline (1965) à Tangerine (2016) en passants par d'autres incontournables comme Les marionnettes (1965), Les paradis perdus (1973), Les mots bleus (1974), La dolce vita (1977), etc... Vous retrouverez cette compil sur Spotify, cadeau des Inrocks et du dialbl@gueur. 



Plus en profondeur et côté albums, il faudra (ré)écouter ses derniers albums studio de toute beauté à savoir Bevilacqua, Comm'si la terre penchait, Aimer ce que nous sommes, Paradis retrouvé et Les Vestiges du chaos. Et puis si le cœur nous en dit, il y a aussi les albums de versions de ses grands succès comme Intime ou Christophe, Etc. Volume 1 et 2. Dans ses derniers disques, il a montré combien il était attiré par la musique de ses cadets. Résolument moderne, on ne compte que quelques vétérans sur la liste de ses collaborateurs (Alan Vega, Eddy Mitchell, Daho, Arno). Voici les pochettes de ces disques sur lesquelles vous pouvez cliquer pour les découvrir sur Spotify.










Le chanteur était venu souvent sur le plateau de Taratata, retrouvons-le pour quelques lives de derrière les fagots et une interview bien instructive (cliquez sur les photos ci-dessous). Dans son entretien avec Naguy, on appréciera la gentillesse de l'artiste et sa façon si particulière de parler, faisant de l'hésitation tout un art, un peu comme Modiano. Il nous explique son horreur de la routine et du système et ses habitudes nocturnes. Comme il raconte à un Naguy épaté, depuis ses quinze ans, le chanteur vivait de nuit et dormait le jour. Sa "journée" commençait à 18h ou 19h et ne terminait pas avant 7h voire 10h du matin. Apparemment cela n'a pas trop nui à sa santé mais c'était vital pour son inspiration. Cruelle et troublante destinée, le champion du confinement est parti pendant le confinement, peut-être parce qu'il détestait aussi la distanciation sociale. 






On termine avec quelques photos parmi lesquelles la première avec la célèbre Aline (une  fiancée polonaise de l'époque). Ce fut son premier succès et c'était sa chanson préférée. La vôtre aussi?







1 commentaire: