La cuvée bédé 2023 aura été de bon aloi comme chaque année. Connaît pas la crise le 9ème art avec cette année 6087 albums édités et on ne s'en plaindra pas même si notre bonne vieille BD made in France (et made in Europe) subit la concurrence grandissante du manga. Ainsi dans le classement des ventes de la presse spécialisée (par exemple l'excellent mensuel dBD), on retrouve dernièrement autant de mangas que de bédés et des auteurs comme Endo Tatsuya, Eiichiro Oda, Tatsuki Fujimoto, Hayao Miyazaki, Ryo Ishiyama, Masashi Kishimoto ou Yusuke Murata tiennent la dragée haute aux auteurs de BD. Il est clair que les nouvelles générations vénèrent profondément le 9ème art made in Japan. Mais le manga n'étant pas notre tasse de thé, on se limitera à la BD made in France avec deux grands retours après de longues années d'absence à savoir Gaston Lagaffe et les célèbres Schtroumps. On n'avait pas connu de nouveaux albums de ces deux séries mythiques belges depuis la mort de Franquin (1997) et de Peyo (1992). Les deux cas sont différents puisque d'un côté, il n'y avait plus eu d'album de Gaston Lagaffe depuis Gaffe à Lagaffe ! en 1996 et de l'autre, 25 albums des Schtroumps avait été publié depuis 1992 mais aucun n’avait arboré d'autre nom d'auteur sur la couverture que celui de Peyo. Curieusement ce sont deux dessinateurs non belges qui reprennent ces deux célèbres séries, le canadien Delaf et le français Tebo. Le premier reproduit très fidèlement le style et le trait caractéristiques de Franquin, par contre, Tebo met véritablement sa patte graphique sur le design des personnages (gros nez et style franchement cartoon). Assurément deux réussites dont on retrouvera seulement la deuxième parmi les albums sélectionnés (d'auteurs uniquement français) dans ce billet. On ne trouvera pas non plus les suites des séries publiées en 2023 et dont les tomes précédents avaient été sélectionnés ces dernières années comme Corto Maltese (T.2), Thorgal (T.41), Madeleine, résistante (T.2), Slava (T.2), Révolution (T.2), Undertaker (T.7), Le serpent et la Lance (T.3), Hawkmoon (T.2) Cosaques (T.2), U.C.C. Dolores (T.5), Elecboy (T.4), Le convoyeur (T.2) ou Faut pas prendre les cons pour des gens (T.4). Ça fera quand mêmes 41 albums (l'ordre est purement chronologique) dont on pourra voir une planche en cliquant sur les couvertures. Bonne lecture !
Un premier album d'Arnaud Nebbache absolument passionnant sur cet improbable procès à l’encontre d’une oeuvre de l’artiste Constantin Brancusi. Chronique judiciaire d’une affaire qui fera jurisprudence sur la définition de l’art. Un coup d'essai étonnant de maîtrise pour un néophyte du 9ème art dont l'originalité du graphisme et l'efficacité du scénario en surprendront plus d'un(e).
Nine Antico compose une série de tableaux sur la condition des femmes dans l’Italie du XXe siècle, entre violence sexuelle, prison sociétale et crimes mafieux. Un ouvrage d'une beauté à couper le souffle dont Les noirs profonds sont un superbe écrin pour présenter ces destins brisés.
Certes, une dystopie de plus mais ce singulier album post-apo est fort élégamment mise en image par Philippe Scoffoni, dont le trait réaliste un peu à l’ancienne se révèle très efficace. Le contexte néo-féodal, qui mélange ambiance moyenâgeuse et post-modernité est original très bien retranscrit. On attend la suite avec impatience.
Après "Cruelle "et "Pucelle" (tomes 1 et 2), Florence Dupré la Tour continue d'explorer sans concession son enfance dont voici le troisième opus où l'autrice raconte la grande histoire d'amour de son enfance : celle qu'elle a vécu avec sa jumelle. Parfois dérangeant, souvent drôle, toujours original, ce nouvel opus cette dessinatrice française née en Argentine ne laissera personne indifférent. Le Tome 2 "Dépareillées" est aussi disponible depuis septembre.
Amoureux fou de cette série mythique, Robin Recht reprend avec brio le personnage créé par Van Hamme et Rosinsky pour une série de one-shots (le prochain tome paraîtra en janvier) qui pourrait donner un second souffle à la saga. Un sans faute pour Robin Recht, avec un album qui mêle à la fois action, réflexion et une forte dose de nostalgie et d'émotion et où l'on retrouve un Thorgal vieilli mais toujours aussi séduisant.
Avec ce récit intimiste et captivant, Isabelle Bauthian et Maurane Mazars nous raconte la rencontre entre deux monstres sacrés du monde des arts, Jean Cocteau et Jean Marais. Le récit solidement documenté de la scénariste est mis en image par le trait poétique et les couleurs subtiles de Maurane Mazars. Les auteurs retranscrivent la tendre complicité de ces deux créateurs si différents et pourtant si complémentaires dans ce monde en guerre. Au final, un album et passionnant qui retranscrit avec art la richesse de leurs sentiments et la complexité d’une époque.
Cet ouvrage de Frédéric BIHEL retrace à la fois un voyage vers des contrées exotiques à la recherche de l'homme sauvage et une quête personnelle aux allures d’un voyage introspectif. Le coup de crayon de Bihel et les teintes grisées s’accordent parfaitement à ce voyage dans l’inconnu où le héros part à la quête de ses propres rêves, de ses démons intérieurs, de son père disparu.
Racontant un naufrage sur le continent de l’Antarctique en 1916 dont les chances de survie pour les rescapés sont pratiquement nuls, cette première collaboration de deux grand auteurs (Loo Hui Phang et Benjamin Bachelier) est une parfaite réussite. Avec ses somptueuses pages en couleurs directes, Benjamin donne au récit un souffle graphique exceptionnel.
Le vétéran Didier Tronchet nous propose une authentique introspection d'un humoriste à la mode, habituel invité dans des émissions de radio pour faire des vannes et finalement pas si drôle. Un roman grinçant et doux comme sait si bien les mettre en images Didier Tronchet. Une lecture forte qui ne laissera pas indifférent.
Ce nouvel album de François Ayroles débute avec un infortuné échange de bagages sur le quai d'une gare. Servi par une ingénieuse narration en miroir, on suivra simultanément les aventures des deux malheureux personnages. Les compositions des pages se répondent tandis que les mésaventures et chassés-croisés du duo forment une chorégraphie aussi loufoque que savoureuse.
Du Audiard et Ventura en BD. C'est aussi plaisant et agréable à lire que de regarder un film de l'époque. L'ambiance, l'histoire, les décors tout est là ! Les personnages sont du même acabit. Un grand moment de lecture.
Un album superbement illustré et colorisé par Etienne Appert pour nous permettre de découvrir la Beat Generation. Dense, surprenant, radical, habité et totalement abouti, Au crépuscule de la Beat Generation est une réussite à tous points de vue dans laquelle propos et illustrations se nourrissent et se subliment mutuellement. Plus largement, il s’agit également d’une excellente introduction à un des chapitres cruciaux de l’histoire culturelle du XXe siècle.
Avec cette adaptation du célèbre roman de Margaret Mitchell et la formidable mise en images de ses personnages cultes, Pierre Alary signe une oeuvre prenante et magnifie ce récit intemporel. Pour le premier volume de cette adaptation, l'auteur s'est donné les moyens de ses ambitions. Deux ans de travail pour cent trente-sept pages d'une belle maîtrise, dont le rythme et la tension tiennent en haleine jusqu'à l'ultime case. Assurément une des meilleures bébé de 2023.
Anthony Pastor nous offre une nouvelle facette de son talent de conteur et de féministe, en essayant de nouvelles techniques de dessin en couleurs directes et lavis pour un Western enneigé intense et réussi en tous points.
Tebo revisite de manière drôle et astucieuse l'univers des Schtroumpfs sans se renier, puisque l'album porte bien sa marque de fabrique : humour crétin amusant et dessin "cartoonesque" rigolo. Il y a du rythme, des rebondissements, des surprises inattendues, les réparties sont drôles et le dessin humoristique très expressif est un régal. C'est schtroumpfement réussi !
Après le très beau Ama, le Souffle des Femmes, Cécile Becq nous emmène en Écosse pour suivre le destin de trois sœurs célibataires dans un même foyer, un cottage isolé sur la lande écossaise. Une histoire simple et sentimentale de deuil et de solidarité. Sensible et touchant.
C'est avec brio que Guillaume Singelin transpose dans un cadre futuriste la situation contemporaine de l'humain face à son environnement et surtout sa soif de conquête et d'exploitations.Quant au dessin, on est face à l'un de ces nouveaux talents proposant un style difficilement classable, mais parfaitement maîtrisé, dans ses compositions sa utilisation des couleurs, son cadrage etc. Un énorme coup de coeur et sans aucun doute une des grandes BD de l'année !
Un fort beau récit signé Nicolas Delestret qui ressemble à conte mystérieux avec pour sujet et intrique un thème originale et rarement traité: la mort. Un conte où se mêle mystère, humour, tendresse, tout ceci avec des personnages auxquels on s’attache et notamment Émile. Laissez vous porter par ce one shot magnifiquement réussi.
Une nouvelle adaptation de roman par Panaccione qui nous embarque complètement dans ce voyage entre deux mondes, entre le rêve et la réalité, entre la poésie et la brutalité. Économe en mots car les images parlent d'elles-mêmes, voici un conte philosophique sur le sens de la vie, la vieillesse, le temps qui passe, la mort… Mais tout cela abordé d'une manière sensible et originale.
Cette album sur le tournage du cultissime film Apocalypse ressemble à un documentaire mais tout cela nous ait raconté comme une histoire et s'avère passionnant en fin de compte. Une très belle restitution organisée par Florent Silloray et un voyage au bout de l'enfer pour un très bon one-shot.
Attention, le tandem Brugeas-Toulhoat ne livre pas une énième histoire de chevaliers au Moyen-âge, au contraire leur propos est original, pavé de bonnes intentions et pour tout dire rafraîchissant. Le trait précis et incisif en font un ouvrage qui se parcoure comme un roman. Cerise sur le gâteau, on en apprend sur le fonctionnement de la chevalerie et des tournois.
On reste dans le Moyen Âge mais celui que dépeint Thomas Gilbert n'a rien de romantique, ni de légendaire. Il dresse un portrait réaliste et violent d'une société tiraillée par des forces contradictoires, mêlant superstition païenne et ferveur religieuse.Le scénario complexe de cet album est porté par un dessin toujours aussi envoûtant.
Depuis quelques temps, Eric Stalner nous gâte, après l'excellent Bertille & Bertille, voici les aventures de Jonathan Lassiter au scénario mené sans temps mort et aux nombreuses rebondissements, où l’auteur joue avec le lecteur. Le dessin, toujours impeccable de précision et conservant le style sépia, nous plonge totalement dans l’ambiance des années 60.
Après Partir un jour, publié en 2021, Manu Boisteau nous plonge avec humour et subtilité dans les méandres de la quête amoureuse à l'ère numérique. Le résultat est une comédie délicieusement moderne qui mêle les enjeux contemporains des rencontres en ligne, la création artistique et les questions existentielles et une lecture plaisante et divertissante qui saura toucher les lecteurs en quête de légèreté.
Après Village global paru en 2019, David Lessault (ccénario) et Damien Geffroy (dessin) nous ramènent dans ce Sénégal en pleine transformation et plein de paradoxes pour un récit louvoyant sans cesse entre la comédie légère et le documentaire socio-culturel. Au final une réflexion intéressante sur les nouvelles mobilités internationales qui prennent place en Afrique et qui bousculent grandement ces sociétés.
Lomig nous raconte l'histoire de John Muir naturaliste émérite qui abandonna tout son ""confort"" pour découvrir ce que la nature a de meilleur et partager ses connaissances avec le monde entier. Avec son coup de crayon incroyable, l'auteur nous emmène en pleine nature pour nous rappeler l'importance de la préserver.
Encore un album magistral de ce diable d'Ayroles, conteur habile, illustré cette fois-ci par le talentueux Richard Guérineau. Les deux compères nous gratifie nouveau d'un de ces contes iconoclastes dont le scénariste a le secret. Le dessin est de facture classique est à la hauteur du scénario magnifiquement ficelé avec ces dialogues piquants, cet humour subtil omniprésent et sa galerie de personnages truculents..
Magnifique album, empreint d'une grande tendresse, à la fois pour les personnages, et bien sûr ce fleuve majestueusement offert à notre œil gourmand. Étienne Davodeau nous fait partager son amour des choses simples et a choisi une palette chaude quoique sobre pour ce récit malicieux.
Une maladie foudroyante frappe les hommes au niveau de leurs testicules. Après Vernon Subutex livre cette histoire dingue ente virilisme exacerbé, politique internationale, émancipation féminine et chien priapique ! L'album le plus sévèrement osé de Luz !
Le talentueux Jean Dytar (en collaboration avec Laurent-Frédéric Bollée) réunit Arthur Rimbaud, Paul Verlaine et Germain Nouveau pour nous raconter la genèse ses Illuminations, cette œuvre poétique dotée d'une prodigieuse densité thématique et stylistique. Comme à son habitude, le graphisme de Dytar est sublime..
Tout ou presque a été dit sur ce 40ème album d'Astérix dans un billet récent. Fabcaro ne déçoit pas avec ce nouvel épisode des aventures d'Astérix. Faire de la critique sociale actuelle avec les personnages de Goscinny et Uderzo, il fallait oser. L'auteur de Open Bar réussit son pari.
Christophe Bec en digne successeur des grands noms la BD de science-fiction nous livre un récit prémonitoire et glacé avec son trait très personnel, incisif et hachuré, parfois presque comme un croquis. Un album d'anticipation original de par sa forme, alternant BD, écrits et Artbook. Un bel ouvrage !
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