Les années passent et le constat reste le même, le secteur de la bédé se porte toujours aussi bien. Un coup d'oeil au rétroviseur de cette année 2021 qui s'achève ou/et sur le présent billet récapitulatif (devenu habituel depuis 4 ans début décembre) convaincra les plus sceptiques. D'un côté, il y a la production...absolument mirifique, plus de 5000 albums publiés en 2021 alors qu'elle dépassait tout juste le millier en 1999. Du coup, c'est un véritable casse-tête pour ce modeste blogueur que d'en choisir 40 pour confectionner ce billet, surtout que, une fois n'est pas coutume, la qualité va de pair avec la quantité. Du côté des ventes, la BD atteint aussi des résultats remarquables et bien meilleurs que l'ensemble du secteur de l'édition, avec une progression de 46% depuis 2010. Au royaume des ventes, Astérix reste le roi incontestable et incontesté. Le 39ème tome des aventures du célèbre Gaulois (Astérix et le Griffon), sorti en octobre, caracole au faîte du classement des ventes, uniquement inquiété (légèrement) par le dernier Goncourt. Les chiffres du tirage de ce dernier Astérix feront tomber plus d'un(e) à la renverse : 2 millions en France et 5 millions à l'étranger (17 langues) ! Qui dit mieux ! Malheureusement pour la plupart des auteurs de bédé, le panorama est loin d'être aussi radieux. Pas besoin d'être mathématicien pour comprendre que, avec 5 fois plus d'albums publiés depuis 1999, il aurait fallu multiplier les ventes par cinq également. C'est loin d'être le cas et si le 9ème art se porte bien, beaucoup d'auteurs suent sang et "encre" pour joindre les deux bouts. Ainsi dans un rapport publié en 2016, la moitié des auteurs ayant répondu à l'enquête avait déclaré un revenu inférieur au SMIC tandis qu'un tiers avouait vivre en dessous du seuil de pauvreté. Cette précarité scandaleuse s'explique par la disparition des magazines BD et du mode de paiement qui en dérivait (à la pige ou à la page) mais aussi par la déferlante du manga japonais et la diminution des séries au profit des one-shots à la rentabilité fluctuante. La solution au problème est à la fois simple et compliquée: achetons des albums mais pas seulement ceux d'Astérix mais aussi et surtout les autres. C'est l'objectif du présent billet avec la présentation de 4o albums d'auteurs français (dessinateurs et scénaristes), les sorties de bédés francophones auront droit à leur billet dans quelques semaines. N'ont pas été sélectionnés non plus les suites des séries publiées en 2021 et dont les tomes précédents avaient été sélectionnés auparavant, comme par exemple, Faut pas prendre les cons pour des gens (T.3), En falsh (T.2), Pucelle (T.2), Le Convoyeur (T.2), Deux passantes dans la nuit (T.2), Sa majesté des Ours (T.2), U.C.C. Dolores (T.4), Le dernier Atlas (T.3), Le serpent et la lance (T.2), Ira Dei (T.4), La cour des Miracles (T.3). Alors voici les 40 albums de 2021 choisis par le diabl@gueur. Faites votre choix et courez à la librairie ou sur Internet, aujourd'hui se procurer des bédés est un jeu d'enfants même depuis notre lointaine Espagne. Cliquez sur les couvertures pour voir une planche de chaque bédé.
Ce deuxième album de Gaëlle Geniller débordant de tendresse et d'amour nous entraîne au cœur d’un cabaret dans le Paris des Années Folles… Superbement mis en image par les crayons généreux et les pinceaux délicats de l’autrice.
Les talentueux Lupano et fert réussissent le pari d’illustrer un pan mal connu de l’histoire noire américaine. L’utilisation de la BD permet d’égayer ce triste exemple de la peur de l’inconnu qui mène au racisme. Parfaitement adapté aux collégiens comme aux adultes.
Un one shot très réussi et touchant qui fait suivre quelques jours de vie d'un Docteur, flegmatique, souriant et semblant passer au travers des difficultés sociaux-politiques du pays. L'auteur s'est parfaitement documenté et nous plonge dans l'atmosphère d'un pays sous la dictature de Salazar. Instructif et nécessaire !
Plus qu'une bédé sur le thème de la rousseur, c'est une véritable étude sur cette particularité physique que nous livre Charlotte Mevel. Tous ceux qui ont subi moqueries ou discriminations pour une raison quelconque se retrouveront dans cette petite merveille toute en rousseur.
Entre pudeur et sincérité, l'auteur s'interroge sur les relations filiales et sur ce renversement de perspective, lorsqu'il faut endosser le rôle de celui qui nous a fait grandir. Pour traduire toute la palette d'émotions qu'évoque ce sujet, il multiplie les techniques et les ambiances graphiques, de la pointe sèche au flou délicat des pastels. Il est difficile de ne pas être admiratif devant la maîtrise technique de Laurent Bonneau.
Nicolas Dehghani signe un premier album épatant, au graphisme époustouflant qui amène un vrai vent de fraîcheur au genre. Le scénario rythmé et maîtrisé n'a rien à envier aux classiques du genre et les personnages de prime abord faciles à cerner se révèlent finalement riches et complexes. Un vrai bijou !
Voilà un album essentiel et militant sur un sujet bien difficile et plutôt casse-gueule: le droit de mourir dans la dignité. Ces 224 pages en noir et blanc ne devraient laisser personne indifférent car le travail de Peyron et Bernardo est remarquable de justesse et de sensibilité.
Dans la série Lucky Luke vu par..., on appréciera la deuxième livraison de Matthieu Bonhomme après "L'Homme qui tua Lucky Luke" en 2016. L'auteur dépoussière l'image du pauvre cow-boy solitaire et appréhende de façon différente cette icône du 9ème art comme il a été fait avec Corto Maltese (à voir ci-dessous).
Sur plus de 300 pages, les deux auteurs, Arnaud Le Gouëfflec et Nicolas Moog nous font un inventaire subjectif de la musique underground mondiale qui se révèle être une véritable bible tant pour les passionnés que pour les néophytes ! Un ouvrage à découvrir et à lire en musique !
Excellente adaptation du livre de Jean Teulé, brillamment mise en images par Olivier Deloye. À travers le regard de ses admirateurs et de ses détracteurs, les auteurs esquissent un portrait contrasté d’un Verlaine vieillissant ravagé par l’alcool et rongé par le désespoir…
Aude Mermilliod adapte avec talent le roman de Martin Winckler paru en 2009. Le résultat s'avère être un magnifique album sur l'intimité des femmes, les métamorphoses de leur corps et une approche médicale qui fait passer la sensibilité de l'individu avant la normalisation des protocoles de santé. Une réussite sur toute la ligne.
Joe la pirate est une femme explosive (Marion Barbara Carstairs) du début du XXème siècle, qui a eu une vie hors du commun. Avec ce biopic, nous découvrons en BD le parcours atypique de cette femme tombée dans l'oubli. Premier biopic écrit par Hubert, magnifiquement illustré par la ligne claire de Virginie Augustin à la manière du cinéma expressionniste allemand. Superbe !
Rojzman et Revel livre un album sur un sujet extrêmement tabou et malheureusement encore d'actualité (les violences sexuelles commises sur les enfants) mais mis en image avec une grande poésie et délicatesse, le format du conte et le trait coloré et faussement naïf permettant de prendre un certain recul et de ne pas plonger dans la noirceur du drame.
Premier album magnifique du dessinateur Emmanuel Bazin épaulé pour le scénario par Antoine Ozanam. Ensemble, ils nous racontent de façon brillante la véritable histoire d'une légendaire fratrie. On constatera que les terribles Dalton ne naquirent pas gangsters mais que la société les fabriqua de toutes pièces.
Un faux western, un faux marshall, un faux flingue, Duhamel dynamite tous les clichés du genre avec humour et brio. Les dessins et les couleurs de ce one-shot original sont franchement réussies et le scénario absolument inattendu. En résumé, une pépite perpétrée par un orfèvre en la matière.
Malgré un sujet âpre et une narration parfois ardue à suivre, Crépuscule des pères arrive à susciter un réel intérêt et à retranscrire tout l’accablement ressenti par ces hommes, ainsi que l’amour inconditionnel qu’ils portent à leur progéniture. Un roman graphique élégant et puissant de cette vétérane de la bédé qu'est Sandrine Revel.
Qui se souvient de Boughéra El Ouafi ? Ce marathonien français d'origine algérienne est devenu champion olympique en 1928 en remportant le marathon lors des JO de l'entre-deux guerres à Amsterdam. Chronique d'un moment clé du sport français de la main du talentueux Nicolas Debon.
Un roman graphique captivant où l'on suit les errances d’un personnage perdu entre la raison et le cœur. Jim et Bonneau tisse un récit d'une humanité au-delà du bien et du mal servi par un graphisme de toute beauté et un scénario sans faille.
Madeleine Riffaud s'est jointe au scénariste Jean-David Morvan et au dessinateur Dominique Bertail pour raconter son histoire. Et quelle histoire que celle de cette héroïne hors normes, résistante, poète journaliste, correspondante de guerre. La vie extraordinaire d'une femme modeste, magnifiquement rendue par les dessins bleus du dessinateur.
David Prudhomme nous raconte 40 ans d’un territoire de province (Grangeroux) aux prises avec l’évolution du monde, dont les soubresauts finissent par ébranler le quotidien. 40 ans pendant lesquels le petit David deviendra l’auteur David Prudhomme. Le ton tendre, les dialogues et la force évocatrice du dessin de Prudhomme font merveille. Grand Prix RTL de la Bande dessinée 2021.
Supporté par l’expressivité des dessins de Lilas Cognet ainsi que par sa grande palette de styles graphique, le récit biographique de ce baroudeur, mercenaire et aventurier fascinera le lecteur averti. L'humour acéré du scénariste Olivier Jouvray soulignera davantage l’absurdité et la cruauté de cette figure controversée dont on parcourra l’ensemble d’une vie faite de coups d’états et de rebondissements entre le Yémen, le Congo, le Gabon ou le Rwanda.
Une nouvelle reprise à ajouter à longue liste des héros mythiques revisités. Celle du duo Vivès-Quenehen fera peut-être hurler les fans de Hugo Pratt mais ce nouveau Corto Maltese moderne mérite le détour sans nul doute.
Cette fable décalée et fantaisiste réunit les morts et les vivants lors de la fête des morts. L'auteur Frantz Duchazeau livre cet album à la fois drôle, effrayant et amer. Tout à fait recommandable et pas seulement à l'époque de Halloween.
Le tandem inédit Vallée/Eacersall nous propose ce road-trip déjanté où deux amis partent à la recherche d'un héritier hypothétique. Le résultat est un album empreint d'humour, d'amitié et d'aventure se déroulant non pas à Madagascar mais dans la vieille France. Une histoire de retraités pas tout à fait à la retraite.
On ne présentera plus Fabcaro, souvent cité dans ce blog et qui nous revient en 2021 avec une farce complètement loufoque dont il a le secret. Dans la lignée de son exploration des récits de genre, après le western, la romance et le récit de voyage, c’est au polar que se confronte cette fois-ci l'auteur de Open Bar. On se retrouvera donc dans le Hollywood des années 50 pour un très bon cru signé Fabcaro avec poilade garantie à la clef !
Adapté d'un roman de Claudie Hunzinger, Gaétan Nocq signe ce somptueux album balançant entre introspection et éveil écologique. L'approche scénaristique assez minimaliste et certains choix esthétiques (le traitement en bleu notamment) peuvent surprendre mais le message essentiel du roman est clairement rendu: la nature et sa fragilité face au monde des hommes.
La nouvelle coqueluche de la bédé française nous revient avec un nouveau roman graphique d'anticipation où la poésie et la romance cède la place au cynisme et à la satire. On suivra donc avec plaisir l'histoire de Kirt Dorell, l'homme le plus riche du monde, dans cette fable sur comment l'avoir aura toujours le dessus sur l'être.
Encore une bédé instructive et nécessaire, fruit de la collaboration d'un auteur majeur (Christophe Blain) et d'un scientifique (Jean-Marc Jancovici) sur les enjeux économiques, écologiques et sociétaux de notre époque. Christophe Blain se place dans le rôle du candide et signe un pavé de 120 pages indispensable pour mieux comprendre notre monde.
Dans ce beau roman graphique, Dominique Grange et Jacques Tardi retracent l’histoire poignante d’Élise, une militante de la gauche prolétarienne, dans ses engagements et ses luttes des années 50 à la fin des années 70. Un récit fort et poignant sur une thématique qui fait douloureusement écho à l'actualité.
Corentin Rouge et Caryl Férey mettent le cap sur l'Afrique du Sud, dans un thriller politico-social intense et palpitant. Après la mort suspecte d'un homme et celle d'un bébé, c'est le lieutenant Shepperd qui mène l'enquête. Un thriller qui ne laissera personne de marbre pour le scénario autant que pour le graphisme.
Après Le patient en 2019, Timothé Le Boucher est de retour avec un nouveau roman graphique de presque 400 pages, un thriller psychologique dans une veine plus réaliste, touchant quelques-uns des thèmes de prédilection de l’auteur: le rapport à l’autre, la notion du temps, de l’identité et de la mémoire.
Ce nouveau roman graphique de Pascal Rabaté débute comme une comédie pour se transformer petit à petit en un conte cruel et déroutant. Des jeunes gens issus de familles bourgeoises sous l’influence d’une jeune femme envoûtante vont être amenés à cambrioler des résidences secondaires inoccupées. Un excellent album par l’auteur d’Ibicus.
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