Première
récap de cette fin d'année 2022 avec une sélection de bédés de haut
vol. Le 9ème art n'aura pas été pingre en sorties loin de là et les
auteurs nous en auront fait "voir de toutes les couleurs". La preuve que
le secteur se porte bien, on la trouvera, par exemple, dans le magazine Lire qui, dans son dernier numéro de décembre, a désigné l'album La dernière reine de Jean-Marc Rochette comme livre de l'année toutes catégories confondues. Cela n'était pas arrivé depuis 1992 avec le mythique album Froid Équateur d'Enki Bilal.
Et ce ne sera pas le diabl@gueur qui contredira le vénérable magazine
littéraire tant le dernier opus de Rochette atteint les sommets (du
Vercors en l'occurrence). À part cette consécration suprême, l'année
2022 aura été mouvementée bien sûr avec des publications à foison, de
tristes disparitions (Jean-Jacques Sempé, François Corteggiani, Jean-Claude Mézières, Jean Teulé, Kim Jung Gi, Calvi)
et même quelques controverses. Il y a du grabuge encore et toujours entre les
héritiers de certaines légendes de la bédé (Hergé, Goscinny, Franquin,
etc) et les éditeurs. Le dernier litige en date oppose Isabelle Franquin
(la fille du célèbre dessinateur belge) et la maison d'éditions Dupuis
qui a promu la parution d'un nouvel album de Gaston Lagaffe. Le
dessinateur canadien Delaf et Dupuis ont donc dû remballer séance
tenante ce dernier tome des aventures du célèbre employé de bureau au
pull vert qui s'intitule cocasse et malencontreusement Le retour de
Lagaffe. C'est la sempiternelle question qui turlupine toujours le petit
monde de la BD (et aussi la presse
en général) : Les héros de BD doivent-ils survivre à leurs créateurs ?
De retour de Lagaffe, il n'y aura pas pour l'instant, ce qu'il y aura
par contre aujourd'hui, c'est une belle sélection de bédés françaises
parmi lesquelles on ne trouvera pas les suites des séries publiées en
2022 et dont les tomes précédents avaient été sélectionnés ces dernières
années comme, par exemple, L'arabe du futur (T.6), Jamais (T.2), Elecboy (T.3), Les âges perdus (T.2), Le convoyeur (T.2), Vernon Subutex (T.2), Aristophania (T.4), Bug (T.3), Un putain de salopard (T.3), Le château des animaux (T.3), Mattéo (T.6), Les vieux fourneaux (T.6), Lucky Luke (T.10). Ça fera quand mêmes 43 albums sélectionnés (l'ordre est purement chronologique) dont on pourra voir une planche en cliquant sur les couvertures. Bonne lecture !
Une
bd adaptée d'un roman de Richard Wagamese, auteur Amérindien Canadien.
Vincent Turhan nous relate une histoire familiale prenante, une plongée
au cœur des montagnes de Colombie Britannique, un décor grandiose où
l’immensité du pays se ressent à la lecture de cette aventure.
Le
dessinateur Benjamin Flao nous embarque dans un curieux et envoûtant
voyage à travers une France qui n'est plus que l'ombre humide
d'elle-même.Au final, un récit remarquable porté par une poésie du
paysage parfaitement maîtrisé. Voilà bien la marque d’un grand auteur en
plein possession de ses moyens, tant graphiques que narratifs
Dans
un monde post-apocalyptique avec une ambiance plutôt cyberpunk et
atypique, les hommes font ce qu'ils peuvent pour survivre. Sylvain
Ferret revient en grande forme avec son dessin et ses découpages si
particuliers qui ont déjà fait le succès de sa précédente série, Métamorphose 1858. Le tome 2 de cette trilogie est déjà disponible.
Après
avoir évoqué les violences sexuelles faites à des femmes dans Touchées,
Quentin Zuttion (Chromatopsie, Drosophilia) s’inspire de sa courte
expérience en maison de repos pour livrer un album qui ne laisse pas
indifférent. Fort et émouvant, un rien déstabilisant, La dame blanche est
un roman graphique de qualité à lire assurément.
Fred
Duval et Stéphane Créty nous proposent ce magnifique récit héroïque
fantastique à l'esthétique médiévale. Le scénario présente une trame
classique parsemée d’idées originales dans un monde où l'eau est le plus
précieux des trésors. Ce premier tome renouvelle un genre pourtant déjà
bien fourni et nous en met plein la vue avec des décors somptueux mêlant désert rocailleux et bâtisses gigantesques.
David
Sala retrace sa trajectoire personnelle très tôt marquée par les
figures tutélaires, mais non moins écrasantes, de ses grands-pères,
héros de guerre et de la résistance. En convoquant son point de vue de
petit garçon, il nous plonge dans une majestueuse et foisonnante
exploration de l'enfance et de l'adolescence. Un album intime aussi
touchant qu'éblouissant de beauté qui nous ramène à notre propre
intimité.
Avec
cet album généreux, Nicolas Juncker retrace avec un humour
irrésistiblement caustique les événements qui ont porté De Gaulle au
pouvoir et permis l’avènement de la Cinquième République. La finesse des
dialogues, le rythme entraînant, les cadrages et le découpage tout
juste parfait, tout contribue à faire de cet album un petit chef-d’œuvre.
Cyril
Bonin adapte brillamment ce roman de Sawako Ariyoshi décrivant la
trajectoire de trois femmes de générations différentes. Tout en
subtilité et en retenue, on découvre l’évolution de la société et de la
condition féminine au Japon. Le dessin de Bonin aussi fin qu'élégant
accompagne admirablement ce récit et son atmosphère toute particulière.
Cela
faisait longtemps que nous n'avions pas eu un récit de vampire digne
de ce nom. Quelque part en Angleterre au début de l'ère victorienne,
Lord Gravestone va subir une malédiction qui se répercutera sur sa
descendance. Une histoire baroque adroitement contruite et superbement
mise en dessin qui ne laissera personne indifférent. Séverine
Vidal et Vincent Sorel livrent un récit tout en pudeur sur le destin de
Cynthia Ann Parker-Naduah, une femme arrachée par deux fois à sa vie,
simple jouet de la cruauté des hommes du far-west. L'histoire lancinante
et forte de cette femme qui se laissa dépérir plutôt que de faire
semblant nous touche au plus profond.
Le
duo d'Ira Dei revient pour une nouvelle série dans un contexte situé à
l'est de l'Europe. Une jeune déserteur polonais est accueilli par un
étrange peuple: les Cosaques. Mais cela ne pourra durer qu'un temps. Un
premier tome magnifiquement dessiné qui ne décevra pas les amateurs de
bédé historique.
Dans
une Amérique sans âge, à l’iconographie reconnaissable mais dépouillée
de ses atours clinquants, les deux antihéros se démènent et affrontent
leurs propres limites, au fil d’une sombre et ironique histoire de
vrai-faux suicide et de pseudo trafic de drogue. Hypnotique, intriguant,
mais surtout diablement efficace, ce Hound Dog permet de découvrir le
talent de Nicolas Pegon. Ce premier long roman graphique est un exercice
de style convaincant, tout en maîtrise dans un genre balisé. Un auteur à
suivre.
Dorison
et Hostache nous embarquent dans la guerre technologique qui affronta
Pathé et Gaumont. Une course folle aux brevets racontée dans un récit
instrutif et passionnant qui revient aux racines du 7ème art. Les
amoureux du cinéma d'hier et d'aujourd'hui ne devraient pas passer à
côté de cet album.
Sacrée
claque et grand coup de cœur pour cette émouvante adaptation de ce
roman d'Anne-Laure Bondoux. Frédéric Bihel y insuffle un imaginaire
foisonnant de détails où la lumière parfaitement maîtrisée et l'ambiance
juste font de cet album une petite merveille graphique.
Fred
Duval, scénariste unanimement reconnu pour ses talents, s'associe ici à
l'écrivain Michel Bussi pour nous offrir une aventure de cape et d'épée
dans laquelle on va suivre le destin d'Avril, un jeune homme vif aux
origines mystérieuses et dernier disciple de Léonard de Vinci. Sous le
crayon de Noé Monin, le résultat de cette nouvelle série est extrêmement
prometteur.
Voilà
un duo d'auteurs qui, pour une première collaboration, nous propose un
album très abouti nous emmenant dans une chasse au trésor sur leur
terre d'origine : la Corse. Au final, un one shot bien réussi, tant pour
la construction du récit que pour les magnifiques planches toute à
l'aquarelle que réalise Patrice Réglat-Vizzavona.
Avec
Sprague, Rodolphe et Olivier Roman signent une très belle adaptation
d'un roman SF paru en 2004. Un récit qui ne manque pas de charme grâce à
son univers original et captivant empli d'intrigue, d'énigme et
d'aventure. Une BD tout public qui nous plonge avec délice sur une
planète inconnue, dans un futur un peu étrange et qui une fois ouverte,
ne se referme qu'une fois achevée.
Derrière
un titre et une couverture aux allures romantiques, on pourrait
s'attendre à un roman graphique sentimental. Que nenni ! On découvrira
plutôt un polar dans le cadre du Paris de la Belle Epoque, à la fin du
19e siècle. L'enquête est diablement bien ficelée et superbement mise en
image pour un album qui ravira tous les amateurs d'enquêtes policières !
Véritable
roman à tiroirs, Lucien est une bande dessinée exigeante dotée d’une
puissance d’évocation incroyable. Individu, couple, groupe, jeunes ou
adultes, tous les aspects de la société sont impitoyablement mis à nu.
Sa réalisation graphique hors norme et la richesse de son propos en font
une œuvre aussi inspirante que déconcertante.
Céleste
Albaret fut pendant des années la servante de Marcel Proust. À travers
un bel album, aux douces illustrations, Chloé Cruchaudet s'intéresse à
cette relation si particulière qu'entretenaient Céleste et Marcel.
Première partie d'un album sublime dont l'élégance et la légèreté des
traits épousent à merveille le portrait d'une époque et d'un écrivain
que l'on aura peut-être envie de (re)lire.
Voici
une histoire bien tournée : un poil de SF, un brin d'enquête et surtout
un joli dessin tout en douceur où le rouge rehausse élégamment le noir
et blanc du trait. Une histoire qui se dévore (et au final surprenant),
servie par un Éric Stalner au mieux de sa forme.
Après
l’immense succès 1984, Xavier Coste revient avec une histoire
originale, rythmée qui en dit long sur l’homme et son manque de
tolérance. On rencontre Hector Bibrowski, un homme pas comme les autres
(puisqu’il souffre d’hypertrichose)
dans un album au format carré déjà éprouvé auparavant et dont le trait,
les mises en page et le travail graphique sont tout simplement
somptueux.
Après
le succès de
Malaterre et de
La fuite du cerveau, Gomont nous revient
avec cette histoire qui suit les aventures d'un étudiant en art et d'un
trafiquant dans une ex-URSS en délitement. L'auteur manie parfaitement
la comédie, la grande Histoire et le drame dans cet album qui fait écho
aux événements actuels en Russie. Un 1er tome très prometteur pour une
trilogie qui s'annonce sublime.
Il y a assurément plein
de bonnes idées et de promesses de ce 56ème tome de Spirou, réalisé par
un nouvelle équipe et qui flirte entre nostalgie et modernité. Olivier
Schwart propose un design ébouriffant de dynamisme et de fluidité tout en
restant dans les canons de la ligne claire. Cette Mort de Spirou marque
donc la plus belle des renaissances.
Après
le polar
14 juillet et son album de
Corto Maltese, le talentueux
Bastien Vivès revient avec cette curieuse chronique sur fond de festival
d’Angoulême. Sur près de 180 pages, l'auteur prend le temps de nous
présenter les personnages d'une histoire presque banale mais qui par son
traitement graphique mérite de s'y attarder. Au final, un très bel
album à propos duquel l'on se demande où s'arrête la réalité et où
commence la fiction.
Attention
chef d'œuvre ! Valentine Cuny-Le Callet est une graphiste hors pair et
son histoire personnelle est passionnante. Son échange avec cet homme
condamné à mort aux États-Unis est très émouvante. Un très beau premier
opus qui pourra toucher même les non amateurs BDs et un sacré pavé de
436 pages à savourer lentement.
Suite
et fin de ce diptyque qui avait échappé au diabl@gueur en 2021 et qui
nous permettra de mieux connaître l'histoire du chevalier Arzhurd et de
la princesse Islen. Un récit plus sombre que le premier tome
avec un graphisme magnifique et une narration qui nous transporte dans
la romance et la tragédie de ses protagonistes. À lire absolument !
Ce
one-shot est un formidable western moderne qui tient en haleine pendant
une bonne centaine de pages et qui fait rêver par la beauté de ses
dessins. On se retrouve dans des espaces désertiques où ne vivent que
paumés et coyotes. Une Amérique de road-movies comme on la dessine si
bien dans la BD française. Un indispensable.
Deuxième adaptation de l’œuvre de Moorcok en BD après
Elric.
Un scénario et un dessin dynamique parfaitement maîtrisés par les
auteurs. On suit les aventures du seigneur Dorian Hawkmoon dans une
Europe en guerre et dévastée dans un style 100% Fantasy. Si vous avez
aimé Elric, vous suivrez avec plaisir les aventures d'Hawkmoon.
On
s'amuse beaucoup à lire cette aventure loufoque, inspirée de faits
réels dans laquelle les auteurs s'amusent à
dézinguer gentiment l'image
de l'excellent écrivain et malheureux ministre André Malraux. Une BD
aussi intelligente qu'originale.
Après
Un travail comme un autre et
Fourmies la Rouge,
Alex W. Inker surprend encore avec cette histoire d'ados malmenés en
quête de la résolution d'un drame arrivé dans leur petite ville enneigée
au fin fond du Colorado.Une aventure qui vire vite au polar noir puis à
l'horreur. Une réussite graphique et narrative.
Un
album gentiment coquin qui est pourtant basé sur une réalité historique
et qui fourmille de bons mots, de rimes et de délicieux aphorismes.
Construite comme une pièce de théâtre, les dialogues de cette
tragi-comédie se savourent à pleines dents, le sourire aux lèvres. C’est
délicieusement truculent, extrêmement délicat et parfaitement maîtrisé.
Tout
plaquer et partir chasser le caribou en Alaska ? Les Pizzlys l'ont
fait. Ce roman graphique profond et puissant est une véritable ode à la
déconnexion mais surtout à la reconnexion à la nature, au vivant et au
monde des rêves. Une magnifique claque esthétique et spirituelle !
Après deux excellents albums sur la montagne (Ailefroide et Le loup),
Rochette rend à nouveau hommage à celle-ci mais aussi aux rescapés de
la guerre, à la nature (l'ours surtout), et au sublime plateau du
Vercors. Romanesque et engagé, un récit tout simplement sublime et un
auteur au sommet de son art livrant sans doute la meilleure bédé
(française) de l'année.
Un
brin de nostalgie flotte sur ce dixième et dernier volet des
extraordinaires aventures d’Adèle Blanc-Sec où une multitude de
personnages et références jalonnent les pages de cet album qui flirte de
manière imprévue avec l’actualité en traitant d’épidémie bovine, de
vaccin ou autre disparition d’enfants. Un album en forme d'(auto)hommage
à une série mythique.
Mystérieux
par sa composition, prenant par sa construction et des plus actuels du
fait des innombrables ramifications de son développement et de sa
conclusion, Deep Me est une lecture puissante et hautement stimulante
allant bien au-delà de son allure initiale sombre et charbonneuse.
Dans
ce magnifique album, la prouesse de Neyef n'est pas seulement graphique
mais globale (scénario, rythme, intrigue et conclusion). Les amateurs
de western seront ravis mais les réfractaires ou néophytes aussi grâce à
la plume de cet auteur talentueux. Incontestablement une des meilleures bande dessinée de l'année. Vous êtes prévenu(e)s...
Un
très beau conte persan adapté par Yann Damezin. L'histoire de Majnoun
et Leïli dont l'amour défie la mort est magnifiée par des dessins et des
couleurs superbes. Vous serez peut-être envoûté(e) par le charme, la
poésie et la beauté de cette histoire proche de Roméo et Juliette.
Après
avoir repris brillamment la série Tif et Tondu en 2020, Blutch nous
livre cet album-surprise rappelant l’esprit de liberté et la profondeur
d’un
Fred, doté d’une mise en images aussi inventive que fluide. La mer à
boire est beaucoup plus qu'une romance annoncée. Roman graphique ?
Livre intimiste ? Surtout de l’excellente et intrigante BD.
À
partir d'un récit familial, Emmanuel Lepage retrace une histoire
sociale de la France des années 1960 et 1970 tout en interrogeant les
tentatives d'aujourd'hui de «tout remettre à plat». L'auteur de
Muchacho et d'
Ar-Men nous offre un récit exceptionnel de 300 pages aussi intimiste que personnel.
Dans
ce magnifique album, Dorison et Montaigne nous embarquent sur le
Jakarta pour une odyssée tragique. Un impressionnant premier volet qui
monte crescendo et qui n'épargnera personne. Un album coup de cœur
inspiré de faits réels. Un thriller maritime impitoyable à lire sans
tarder.La
philosophie en BD revue et présentée par Catherine Meurisse qui taquine
une quarantaine d'auteurs pour décortiquer leur pensée. L'humour,
l'érudition et la vulgarisation magique de l'auteure au service d'une
tâche des plus ardues: mettre à la portée de tous les plus grands
philosophes y compris les plus obscurs...
On
termine cette "brève" sélection sur une série mythique...belge mais
reprise par trois auteurs français pour un 29ème tome de bon aloi. Une
aventure complète en un tome, au scénario très dense et très inspiré,
qui mêle géopolitique, science et espionnage, dans un univers graphique
respectant à merveille le créateur de la série. Un des grands succès de
librairie de l'année comme c'est souvent le cas avec les personnages du
grand E-P Jacobs.
Il y a du vrai dans l'humour https://dpstream.onl et au cinéma. Le seul regret c'est qu'il n'y a qu'une seule vie. Si j’en avais trois, je toucherais trois salaires !
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